Trilogie d’une nuit d’hiver, fantasy et folklore russe
L’ours et le rossignol est le début de la fascinante Trilogie d’une nuit d’hiver de Katherine Arden. L’histoire se déroule en Russie médiévale, et chemine entre mythologie slave, conte fantastique et roman d’action.
Comment ai je découvert la Trilogie d’une nuit d’hiver ?
Petit rappel pour ceux qui n’auraient pas lu mon retour d’expérience avec la Kube. Après avoir enchaîné les lectures désastreuses que la box littéraire Kube m’a fait vivre, je suis retournée voir mon libraire, les Mangeurs d’étoiles. Ce dernier a vite compris comment m’aguicher en faisant vibrant certaines cordes très sensibles chez moi. En effet, je suis passionnée de Russie, j’adore la mythologie slave, je me nourris continuellement de fantasy, j’aime tout ce qui a trait au Moyen-Âge, et je suis friande de contes et légendes. Donc un livre qui rassemble tout ceci ne pouvait que me plaire !
Certes j’avoue que la couverture m’avait déjà fait de l’œil. On y distingue les coupoles de la cathédrale St Basile dessinées dans des teintes froides et mystiques. Mais le nom américain de l’auteure m’avait freinée, je craignais de tomber sur un énième récit bourré de clichés.
Que nenni ! Katherine Arden est aussi amoureuse du monde slave que moi !
C’est bien beau, mais ça parle de quoi ?
Trilogie d’une nuit d’hiver, on l’a compris, se passe en Russie au Moyen-Âge. Mais ce n’est pas tout de trouver un thème accrocheur. Encore faut il savoir tenir en haleine ses lecteurs. Alors quel récit a bien pu me captiver autant ?
L’ours et le rossignol
Tout commence par une histoire au coin du feu en plein hiver russe. Une babouchka raconte à des enfants blottis contre un vieux poêle l’histoire de Karatchoun, le démon du gel. Et puis au fil des pages, on en apprend davantage sur la vie de cette famille vivant dans un petit village de Russie.
Piotr Vladimirovitch est un boyard, un seigneur qui tient sa bourgade comme sa maisonnée avec fermeté et amour. Sa femme Marina meurt en couche en donnant naissance à une petite fille qui a hérité des dons extraordinaires de sa grand-mère.
En effet Vassia est un peu sorcière. C’est la seule de sa fratrie à pouvoir communiquer avec les tchiorti. Bannik, Roussalka, Vodianoï, Domovoï… et tous les autres esprits du folklore russe. Durant son enfance, elle remplit ses journées à voler des petits gâteaux auprès de sa nounou et à courir dans la forêt y compris au plus froid de l’hiver. Puis elle apprend le langage des chevaux et tisse progressivement des liens avec le peuple invisible jusqu’à même rencontrer le démon du gel !
Mais la naïveté de l’enfance laisse progressivement place à la dure réalité du monde adulte. Piotr Vladimirovitch se remarie avec une femme qui redoute Vassia. Son grand frère, Alexandre Perevets part pour devenir prêtre et sa sœur Olga se marie avec le prince de Serpoukhov. Vassia se retrouve seule et doit en plus faire face à l’arrivée du père Konstantin qui lui voue une haine mêlée d’amour. Ce dernier est tiraillé entre ses sentiments et sa religion, entre sa foi et les voix obscures qu’il perçoit. C’est alors qu’entre en scène l’Ours, un esprit malveillant qui dissémine la maladie et la mort.
La fille dans la tour
La fille dans la tour, deuxième volet de la trilogie nous emmène à Moscou.
Tandis que la cour est gangrénée par les luttes de pouvoir, des hordes de barbares terrorisent les campagnes. Le prince Dimitri Ier n’a pas d’autres choix que de partir les combattre avec à ses côtés le prêtre Alexandre Perevets.
Sur sa route ils rencontrent un étrange garçon sur un magnifique étalon noir. Seul Sacha le reconnait, c’est sa sœur Vassia déguisée en homme… De là, un dangereux mensonge va s’installer entre le prince et ses cousins. Vassia les suit et part pour Moscou. Elle y retrouve sa sœur aînée dont la fille possède aussi d’étranges pouvoirs magiques. Elle y rencontre également des personnages bien dangereux tels que le guerrier T’cheli-Bey ou l’étrange seigneur Katcheï.
L’hiver de la sorcière, dernier tome de la trilogie d’une nuit d’hiver
Un incendie a ravagé Moscou. Un vieil ennemi de Vassia la tient pour responsable et l’accuse de sorcellerie. La peste et la mort se répandent dans la ville et terrorisent les habitants qui se réfugient auprès d’un petit prêtre dont la popularité devient de plus en plus gênante.
Vassia doit fuir la ville. Dans son voyage elle va en apprendre davantage sur ses racines et la provenance de ses étonnants pouvoirs. Elle va retrouver le démon du gel avec qui elle entretient une relation plus qu’ambigue… Pendant ce temps, le prince Dimitri doit en plus de combattre la peste, affronter l’armée de Mamaï, un puissant seigneur tatar. Vassia va jouer un rôle majeur dans la victoire de Dimitri face aux armées mongoles. Mais elle va également devenir une véritable passerelle entre le monde des esprits et le monde des vivants.
Trilogie d’une nuit d’hiver – une évasion littéraire
Les pages ont exercé leur magie sur moi. Je les ai dévorées et tournées les unes après les autres sans m’arrêter.
Cette trilogie fait partie de ces livres qui savent nous happer dans leur univers, telle Alice aux Pays des Merveilles. Ces romans dont on s’empresse d’avaler chaque chapitre, trépignant d’impatience à l’idée de connaître la suite. Et puis, à l’approche de la fin, on prend conscience qu’il ne reste plus beaucoup de lignes à lire. Alors on finit par ralentir la cadence afin de prolonger ce petit plaisir intellectuel. Mais toutes relations, surtout les plus passionnées, un jour doivent s’arrêter.
Un voyage au cœur de la Russie
La trilogie d’une nuit d’hiver n’est pas une énième histoire de fantasy. C’est bien plus que ça. Avec Katherine Arden on voyage. Les descriptions des paysages et des bâtiments comme le Kremlin ou les églises orthodoxes sont toujours très justes et fines. J’ai vraiment eu la sensation de flâner dans les peintures de Vasnetsov, Chickine, Bilibine… ou dans les récits de Gogol.
Voyage dans le temps
Outre le voyage au cœur de la campagne russe, on découvre également son histoire. Et malgré le peu de détails qui existent sur cette période, Katherine Arden réussit avec brio à nous raconter certains aspects historiques comme le joug tatar sous lequel vivaient les peuples russes, la bataille de Koulikovo qui s’est déroulée en 1380 et qui marque l’unification de la Russie, la montée de l’Orthodoxie, la manière dont vivaient les femmes à cette époque, etc. De plus certains personnages du roman ont réellement existé comme le prince de Moscou, Dimitri 1er, le Khan Mamaï, le guerrier T’cheli-Bey, Oleg de Riazan et même le prêtre Alexandre Perevest. Mais l’Histoire ne nous dit pas si ce dernier avait pour sœur Vassia, la sorcière qui voyait les esprits.
De plus toute la trilogie est ficelée autour de la dvoevierie. C’est-à-dire la coexistence entre la foi religieuse, les icônes des saints orthodoxes et les croyances païennes, les contes folkloriques, les rites d’un ancien temps. Cette double-foi a longtemps perduré en Russie. Et aujourd’hui encore ces traces sont toujours visibles dans la culture russe, contribuant sans nul doute au charme de ce fascinant pays.
Katherine Arden, la future Robin Hobb ?
En lisant le dernier volet, L’hiver de la sorcière, j’ai pris pleinement conscience de l’incroyable talent d’écrivain de Katherine Arden. Avec son style sec, clair et dynamique, elle arrive à dresser des tableaux d’une telle finesse sans pour autant tomber dans des descriptions à rallonge. Elle rythme son livre de grandes scènes d’action tout en épargnant ses lecteurs de combats interminables comme on peut le voir souvent dans ce genre de livres. Et c’est vraiment à la fin de ma lecture où j’ai réalisé qu’avec son style tranchant et efficace, elle me rappelait étrangement une autre auteure fascinante qui n’est autre que Robin Hobb .
Alors même si vous n’êtes pas aussi passionnés de la Russie que je le suis, glissez-vous sous votre plaid avec un thé russe et suivez les traces de Vassia dans les forêts enneigées. Et je suis persuadée que vous apprécierez votre voyage littéraire. Peut-être même que vous vous mettrez à faire des offrandes à votre domovoï. Qui sait ?